Depuis quelques années, plusieurs ordres professionnels du Québec ont permis à leurs membres d’exploiter leur entreprise par le biais de sociétés incorporées. Ces « professionnels incorporés » peuvent ainsi bénéficier de tous les avantages d’œuvrer par le biais d’une société, notamment les taux d’imposition moindres que ceux des particuliers (je vous réfère d’ailleurs à l’article: L’incorporation d’une société : serait-ce payant pour moi?).
En réponse à ce nouveau courant, les autorités fiscales ont indiqué leur intention de faire la guerre à ces professionnels incorporés.
Revenu Québec a été le premier à modifier la législation fiscale québécoise afin de contrer ce phénomène. Dans le plus récent budget du gouvernement du Québec, une mesure augmentant le taux d’imposition pour les petites entreprises a été précisée. Nous verrons dans cet article quelles sont les modalités de ces nouvelles règles fiscales, quelles en sont les conséquences, ainsi certains éléments de planification afin d’en limiter les impacts. Vous constaterez que le champ d’application de ces nouvelles mesures est beaucoup plus large que seulement les professionnels incorporés…
Modification de la déduction pour petites entreprises
Aux fins de l’impôt provincial, le taux général d’imposition des sociétés est actuellement de 11,9 %. Cependant, en respectant certains critères les sociétés privées peuvent profiter d’une réduction du taux d’imposition de 3,9 %, pour ainsi bénéficier d’un taux d’imposition de 8 % sur la première tranche de 500 000 $ de revenus. Cette réduction du taux d’imposition est connue comme étant la déduction pour petite entreprise (ci-après « DPE »).
Pour les exercices financiers qui débuteront après le 31 décembre 2016, Revenu Québec a ajouté un critère supplémentaire à respecter pour permettre à une société d’être admissible à la DPE. Ce critère de qualification exige un nombre minimal d’heures travaillées au cours de l’exercice financier d’une société.
Une société respectera, pour une année d’imposition, le critère de qualification portant sur le nombre minimal d’heures travaillées si, selon le cas:
• au cours de cette année d’imposition, ses employés ont effectué au moins 5 500 heures de travail;
• au cours de l’année d’imposition précédente, les heures effectuées par ses employés et ceux des sociétés auxquelles elle est associée totalisent au moins 5 500 heures de travail.
De plus, certaines précisions ont été apportées par Revenu Québec :
• Un maximum de 40 heures par semaine par travailleur pourra être considéré;
• Les heures travaillées devront être payées au moment de la production de la déclaration d’impôt de la société;
• Les heures travaillées des actionnaires peuvent être considérées dans le calcul, sans égard au fait qu’elles soient rémunérées ou non;
• Si l’exercice financier de la société est inférieur à 365 jours, le nombre de 5 500 heures devra être ajusté au prorata.
• La société devra effectuer un suivi des heures effectuées par ses employés et devra conserver une preuve documentaire à cet effet.
• Les heures effectuées par un sous-traitant pour le compte d’une société ne seront pas comptabilisées par cette société, mais pourront l’être par le sous-traitant.
• Une réduction linéaire s’appliquera lorsque le nombre d’heures applicable se situera entre 5 000 et 5 500 heures pendant l’exercice financier.
• Les entreprises des secteurs primaires (agriculture, foresterie, pêche et extraction minière notamment) et manufacturiers (fabrication et transformation) ne se pas touchées par cette nouvelle mesure.
Conséquences de cette mesure et sociétés touchées
Comme vous le voyez, ces modifications auront une portée beaucoup plus large que seulement une augmentation du taux d’imposition pour les professionnels incorporés. En effet, plusieurs petites sociétés pourraient également être affectées par cette augmentation de taux d’imposition. On peut notamment penser à certaines entreprises saisonnières ou à des entreprises qui embauchent des employés à temps partiel. De plus, toutes les sociétés devront maintenant tenir une documentation adéquate afin de démontrer le nombre d’heures travaillées.
Éléments de planification pour continuer de bénéficier de la DPE
Certaines stratégies peuvent permettre à une société de ne pas être affectée par une réduction de la DPE (ou en réduire les incidences). Par exemple, il est possible de choisir une fin d’année qui se termine le 30 novembre 2016, plutôt que le 31 décembre 2016. Cela permettra de n’être affecté par les nouvelles règles qu’à compter de l’exercice financier débutant le 1er décembre 2017 (soit 11 mois plus tard que si le 31 décembre avait été choisi). Cette stratégie ne pourra généralement s’appliquer que pour les sociétés nouvellement créées. Par ailleurs, il est également possible d’envisager un regroupement des activités de deux sociétés du même type (ex. fusion), ou de procéder à l’embauche de nouveau personnel.
En résumé
Le champ d’application de ces nouvelles mesures de Revenu Québec étant très vaste, plusieurs sociétés risquent d’être affectées par celles-ci. Il faut donc s’assurer de bien connaître ces règles et de s’y conformer adéquatement. Bien que cette modification fiscale ait une portée très large, elle doit être considérée conjointement avec les autres avantages de l’incorporation. Assurez-vous de consulter un spécialiste de la fiscalité afin de prendre les meilleures décisions pour votre situation fiscale personnelle.
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