Ce n’est pas le travail qui est la liberté : c’est l’argent qu’il procure, hélas! – Gilbert Cesbron
Pour la plupart des gens, les concepts d’incorporation, de société ou compagnie sont plutôt flous. Comme dirait mon père « Qu’est-ce que ça mange en hiver ? ». Le présent texte a comme objectif de vous présenter le concept de l’incorporation (création d’une société), qui peut en bénéficier et quels sont les avantages et inconvénients. Vous constaterez que cette structure n’est pas une bête si complexe et qu’elle peut s’apprivoiser plus facilement qu’on ne pourrait le penser !
Qu’est-ce que l’incorporation ?
En premier lieu, il est important de bien comprendre ce que représente l’incorporation d’une société. Il s’agit de la création d’une société par actions (ci-après appelé « SPA »), qui a une existence légale et fiscale distincte de ses propriétaires (appelé actionnaires). Certaines personnes font l’erreur de penser qu’un travailleur autonome inscrit au Registre des Entreprises du Québec est incorporé. Absolument pas ! Des démarches supplémentaires doivent être effectuées afin d’avoir une entreprise sous forme d’une SPA.
Une SPA doit produire un rapport d’impôt annuellement, distinct de ses actionnaires, dont l’exercice financier peut se terminer à une date autre que le 31 décembre. Les taux d’imposition applicables au revenu d’entreprise pour les SPA sont généralement moindres que ceux des particuliers et ne sont pas gradués en fonction du niveau de revenus (seulement 2 paliers d’imposition applicable, soient un taux jusqu’à 500 000 $ et un taux au-delà).
Qui peut s’incorporer ?
De manière générale, toute personne qui opère une entreprise personnellement peut transférer celle-ci dans une SPA. De même, plusieurs professionnels peuvent maintenant exercer par le biais d’une SPA. Voici quelques exemples d’ordres professionnels permettant l’incorporation :
- Médecins
- Comptables CPA
- Vétérinaires
- Huissiers de justice
- Dentistes
- Arpenteurs-géomètres
- Denturologistes
- Chiropraticiens
- Géologue
- Optométristes
- Psychologues
- Traducteurs
- Avocats
- Pharmaciens
- Architectes
- Inhalothérapeutes
Par ailleurs, il est également possible d’incorporer d’autres d’activités à but lucratives afin de bénéficier de différents avantages fiscaux. En effet, il peut être par exemple intéressant dans certains cas de créer une SPA pour détenir des immeubles locatifs, détenir des placements boursiers, détenir des actions de sociétés privées, etc…
Avantages de l’incorporation
Maintenant que vous saisissez mieux le concept d’incorporation, reste à savoir si cela est avantageux pour nous. L’incorporation comporte de nombreux avantages (mais également quelques inconvénients, voir plus loin), voici les principaux.
Report d’impôt
Cet avantage est probablement celui qui est le plus fréquemment mentionné par le commun des mortels. Puisque les taux d’impôt corporatifs sont généralement plus bas que ceux des particuliers, le revenu d’entreprise/profession généré dans une compagnie sera imposé à un taux moindre. Cependant, il s’agit réellement d’un avantage seulement dans la mesure où le revenu après impôts reste dans la société et que l’argent est par la suite utilisé pour faire d’autres activités génératrices de revenus. En effet, si le revenu après impôt est distribué aux actionnaires en totalité, l’économie d’impôt généré par la société disparaît complètement.
Prenons un exemple pour illustrer.
Revenu d’entreprise généré par un particulier
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Revenu imposable d’entreprise/profession : 150 000 $
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Impôt payé (taux effectif estimatif – 36,9 %) : (55 350 $)
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Charges sociales nettes d’impôt (RRQ, FSS, RQAP) : (5 000 $)
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Argent disponible après impôt : 89 650 $
Revenu d’entreprise généré par une société
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Revenu imposable d’entreprise/profession : 150 000 $
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Impôt payé (taux 19 %) : (28 500 $)
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Argent disponible après impôt : 121 500 $
Il reste donc 31 850 $ de plus à la société pour effectuer des investissements ou autres activités lucratives. De plus, les exemples donnés ne tiennent pas compte des taux effectifs marginaux d’imposition (ci-après appelés « TEMI ») du particulier dont nous discuterons ci-après.
Répartition des revenus
Le système fiscal canadien est basé sur le principe que les impôts sont payables par individu, et non par famille (sous réserve des mesures sociofiscales dont nous discuterons dans la section TEMI ci-après). Par ailleurs, les taux d’imposition au Québec et au Canada sont progressifs, c’est-à-dire que plus le revenu d’un particulier augmente, plus son taux d’imposition sera élevé. Conséquemment, le montant d’impôt à payer pour une famille sera plus élevé lorsqu’il y a un écart de revenu important. Prenons un exemple simplifié pour illustrer :
Couple #1
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Revenu de madame : 70 000 $, impôt : 19 300 $
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Revenu de monsieur : 70 000 $, impôt : 19 300 $
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Revenu du couple : 140 000 $, impôt : 38 600 $
Couple #2
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Revenu de madame : 120 000 $, impôt : 41 200 $
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Revenu de monsieur : 20 000 $, impôt : 2 300 $
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Revenu du couple : 140 000 $, impôt : 43 500 $
Pour un même niveau de revenu du couple dans l’exemple précédent, il y a une différence de 4 900 $ d’impôt supplémentaire à payer pour le couple #2. Il y a donc un avantage certain répartir les revenus imposables à l’intérieur d’une même famille.
La création d’une SPA peut permettre de faire ce qui est appelé dans le jargon fiscal du « fractionnement de revenu ». En effet, il est possible d’attribuer une partie des revenus de dividende provenant de la SPA au conjoint ou aux enfants majeurs. Les économies d’impôts peuvent être substantielles dans de telles situations. Cependant, la consultation d’un fiscaliste expert dans le domaine est nécessaire pour éviter des erreurs coûteuses.
Maximisation des TEMI
Tel que mentionné dans un précédent article, les TEMI représentent les taux d’imposition réels des particuliers lorsque l’on tient compte de certaines mesures sociofiscales (prestations fiscales pour enfants, crédits d’impôt de solidarité, crédit de TPS, prestation de sécurité de la vieillesse, etc…). Ces TEMI peuvent être bien au-delà du taux marginal d’imposition actuel de 50 % (impôt uniquement), pouvant atteindre de 60 % à 90 %. Dans certaines situations particulières, les TEMI peuvent atteindre 100 % et même aller au-delà.
Puisque les revenus générés dans une société n’influent pas sur le revenu personnel des actionnaires, la création d’une SPA peut permettre de minimiser le TEMI. Par exemple, en limitant les revenus imposables personnels des actionnaires pour certaines années, il est possible de minimiser le TEMI familial. De cette façon, les impôts personnels de chaque membre du couple sont diminués, et l’augmentation des prestations fiscales et autres mesures peut être spectaculaire !
Autres avantages de l’incorporation
La création d’une SPA comporte plusieurs autres avantages, dépendamment de la situation de la société et de ses actionnaires. Par exemple, la création d’une SPA peut permettre de bénéficier de l’exonération du gain en capital dans le cadre d’une vente de l’entreprise. Certaines conditions bien précises sont à respecter, mais si tout est en place au moment de la vente, il est possible de vendre ses actions sans payer un sou d’impôt !
Un autre avantage de l’incorporation est le choix de se rémunérer sous forme de salaires ou de dividendes. Par exemple, si vous êtes dans une situation où vous désirez avoir un enfant, la rémunération sous forme de salaire vous permettra de maximiser vos prestations d’assurance parentale. À l’inverse, vous pouvez vous rémunérer sous forme de dividende, par exemple si vous êtes dans une situation où vous avez déjà atteint le maximum de la rente de RRQ.
Il existe également des avantages, autres que des avantages fiscaux, qui doivent être considérés. Notons par exemple la personnalité juridique distincte de la société qui limite la responsabilité personnelle des actionnaires (le voile corporatif). L’existence perpétuelle d’une SPA est également un avantage puisqu’elle continue d’exister même après la mort d’un de ses actionnaires. Finalement, l’accès au crédit peut-être facilité avec une société par action (financement par dette, par actions ou par certains programmes publics d’aide)
Inconvénients de l’incorporation
L’aspect négatif le plus fréquemment mentionné est le coût de mise en place et de maintien d’une SPA. Il est certain que le coût de mise en place initiale de la structure, ainsi que les frais annuels de maintien, doivent faire partie de l’analyse de rentabilité de l’option. Ces frais sont cependant déductibles du revenu futur de la SPA à certaines conditions.
De plus, l’actionnaire doit être conscient que la structure de détention d’une entreprise par le biais d’une SPA demande plus de vigilance au niveau de l’utilisation personnelle des actifs de la société. En effet, puisque la SPA est une entité distincte de ses actionnaires, les sorties de fonds ou utilisation personnelle des biens de la SPA doivent être encadrées rigoureusement.
Conclusion
Depuis quelques années, le processus de mise en place d’une SPA s’est simplifié ce qui a permis de « démocratiser » l’accès à ce type structure. Les avantages sont indéniables dans plusieurs situations, mais encore faut-il savoir comment en bénéficier au maximum ! Il est donc important de consulter un professionnel en fiscalité avant de procéder, et ce, afin qu’il analyse votre situation dans son ensemble (structure de l’entreprise, situation personnelle et familiale, objectifs financiers, etc…). Cela vous permettra de vous assurer que cette solution est la meilleure pour vous et que vous optimiserez cette structure.
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[…] Depuis quelques années, plusieurs ordres professionnels du Québec ont permis à leurs membres d’exploiter leur entreprise par le biais de sociétés incorporées. Ces « professionnels incorporés » peuvent ainsi bénéficier de tous les avantages d’œuvrer par le biais d’une société, notamment les taux d’imposition moindres que ceux des particuliers (je vous réfère d’ailleurs à l’article: L’incorporation d’une société : serait-ce payant pour moi?). […]
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